Cette petite marionnette un peu ridicule dans son petit théâtre, qui fait pleurer aux larmes et hurler d’effroi les petits enfants, est un pur produit de la ville de Lyon. Elle fait partie de ces vedettes nées on ne sait trop comment, qui ont réussi une extraordinaire carrière internationale.
Le théâtre de guignol n’était pas à l’origine destiné à un public d’enfants. Créé à la toute fin du 18è siècle, par Laurent MOURGUET, il mettait en scène une satire de la société Lyonnaise en reprenant les grands thèmes de la » Commedia dell’arte » et cela au moment de la plus grave des récessions économique de l’industrie de la soie, et alors que pesait la pression terrible des années de la terreur.
Laurent MOURGUET savait de quoi il parlait. Etant lui même ouvrier canut, il avait eu a souffrir de cette calamité économique qui s’était abattue sur le monde des soyeux. Obligé d’abandonner son métier pour nourrir sa grande famille (il avait 10 enfants), il se fera alors » arracheur de dents » en place publique, et attirera le chaland grâce à des marionnettes de Polichinelle et Arlequin. Mais il ne sait ni lire ni écrire, et il transposera alors ses personnages dans un environnement familier, et dans le milieu qu’il côtoie.
D’abord baptisé Chignol, (le nom de son voisin Italien) la marionnette qu’il créera à son image, deviendra Guignol en 1810.
Issu du milieu ouvrier, Guignol deviendra très vite l’ami du peuple et des petites gens. Son succès de marionnettiste lui fit bien vite oublier l’arracheur de dents, et Laurent MOURGUET installera son premier petit théâtre dans le parc des Brotteaux, puis dans le café du caveau ou le public vint en masse.
» Pupazzo » ou marionnette à gaine, (celle ou l’on glisse la main à l’intérieur du corps), tête de bois et corps de chiffon, le produit marchait bien et c’est une dizaine de personnages riches en couleurs qui composèrent la troupe de Guignol : Madelon, l’épouse un peu acariâtre ; Flageolet mi gendarme mi garde-champêtre avec son bicorne cocardier ; Le Juge, on ne peut plus austère ; Gnafron, l’ami dont le nez enluminé a pris la couleur du Beaujolais local ; le Père Antoine et la Mère Michel (celle qui a perdu son chat) qui sont les vieux sages un peu dégentés ; la sorcière Gigabosse et Fripouillasse dont les noms suffisent à définir les personnages, et enfin, Poivert et Fil-de-Fer qui sont les utilités.
Pour collectionner, il faut commencer par trouver un petit théâtre » Castelet « ; réalisé en bois il reproduit la façade d’un théâtre antique avec un beau fronton et d’épais rideaux de velours rouge. De plus petits modèles ont été réalisés pour les chambres d’enfants. Les marionnettes de bois sont introuvables, mais elles ont été reproduites a l’identique en carton bouilli et papier pressé au début du 20è siècle. Les reproductions en plastique ou caoutchouc sont rejetées par les vrais amateurs.
De nos jours, le théâtre de guignol se produit toujours à Lyon, sur les quais de Saône, place Bellecourt et dans le magnifique parc de la Tête d’Or, mais aussi à Paris au Jardin d’acclimatation qui reçoit 150.000 visiteurs par an, et un peu partout en France