La seigneurie de Bergerac avait été offerte à Edouard III d’Angleterre (le père du prince noir), par Marthe d’ALBRET, dans la succession très compliquée des familles PONS et RUDEL. Ces familles, qui avaient le souci de conserver la tête sur les épaules, commerçaient aussi bien avec les rois de France qu’avec les rois d’Angleterre, et se soumettaient courageusement au dernier envahisseur arrivé.
Le roi de France Philippe VI sentit alors le danger, s’y opposa et négocia avec les héritiers, en leur offrant les revenus des villes de Mouleydier et Montignac, afin que tous les droits sur les terres et la ville de Bergerac, place stratégique, restent à la couronne de France. Nous sommes en 1340.
En 1345, Edouard III décide d’envahir la France. Son petit cousin Henri de Lancastre comte de DERBY, après avoir débarqué du coté de Bayonne, se présente devant Bergerac. La bataille est rude, et les Anglais, prennent d’abord le pont, seul point de franchissement de la Dordogne, puis atteignent le château de Bergerac par la rivière, et prennent finalement la ville, alors que les barons Français qui ne veulent pas se soumettre fuient vers La Réole.
Beaucoup plus que la bataille de Crecy, c’est la bataille et la prise de Bergerac qui seront le premier fait d’armes de la Guerre de Cent ans ! Le 24 Août 1345…le jour de la saint Barthélemy. En récompense, Edouard III donnera alors la seigneurie de Bergerac au comte de Lancastre, qui la conservera jusqu’à sa mort en 1361. Ce même Edouard III lui accordera le droit de battre monnaie.
Une première belle série de sept monnaies que les numismates Bergeracois connaissent, verra le jour : des » gros d’argent » : à la croix longue – à la couronne – au châtel d’Aquitaine – au léopard dessus – au léopard passant – à la fleur de lis et un denier au léopard couchant, avec pour légendes communes, mais avec de nombreuses variantes: A/ henr.COM.LANCAST R/ dns.BRAGAIRAC.
En 1351 Henri de Lancastre est fait Duc, une suite de quatre monnaies sera frappée entre 1351 et 1361, date de sa mort : un gros tournois à la couronne avec léopard – un gros au léopard couché – un sterling – et un gros au lion avec pour légendes communes (et leurs variantes) :
Toutes ces monnaies sont connues et sont répertoriées dans le livre parfaitement documenté de l’anglais DUNCAN ELIAS, (édité en 1984) qui s’est passionné pour les monnaies Franco-Anglaises du 12è à la première moitié du 15è siècle. Des trouvailles nous feront probablement connaître des frappes inconnues à ce jour.
C’est ce qui s’est passé en 1988, quand le même DUNCAN ELIAS a attribué à l’atelier de Bergerac un superbe » Pavillon d’or « , dans un article intitulé : « Une monnaie de Bergerac pour le Prince Noir ».
Monnaie inconnue à cette date qui a laissé les collectionneurs perplexes ! Mais voilà qu’un second exemplaire vient de faire son apparition dans la vente de la maison Palombo à Marseille, qui se réfère à ELIAS pour l’identifier et qui l’annonce : »rarissime, deuxième exemplaire connu ». Estimée 4 à 5000 euros cette monnaie a trouvé preneur à 22.000 euros
Numismates Bergeracois, soyons heureux, nous faisons partie des grands, nous avons eu notre Atelier monétaire. Mais soyons aussi modestes…Il n’a frappé monnaie que sous la domination Anglaise,…il y a presque 700 ans !
Dernière heure: encore une nouveauté pour Bergerac:
Dans MONNAIES 31, la CGB a mis en vente une monnaies décrite comme suit: Gros au Léopard couchant, Bergerac, billon, 25mm. 1.84gr
Commentaires à propos de cet exemplaire : Monnaie inédite et semble-t-il unique, de la plus grande rareté et du plus grand intérêt numismatique.
Commentaires à propos de ce type monétaire : Par les lettres des légendes, avec notamment le nom d’Henri noté En et le titre DVX avant celui de Lancastre, ce type monétaire est proche du gros au léopard couchant décrit sous le n° 136 de l’ouvrage d’Elias. Cet exemplaire est toutefois d’un autre type puisque la croix du droit est à branche égale et ne coupe pas la légende en bas et qu’il n’y a aucune inscription sous le léopard couronné du revers. Ce type monétaire manque à tous les ouvrages consultés et est inédit. Ce gros a son pendant dans le monnayage d’Édouard III (cf. Elias n° 68, p. 110), comme c’est souvent le cas pour les monnaies de Bergerac, avec souvent des légendes en trompe-l’œil.