Les échanges des sociétés communautaires sont beaucoup plus complexes que les pratiques rudimentaires représentées par le troc
D’abord, les produits d’échanges circulent à de grandes distances depuis des temps très anciens, ce dont témoignent les traces matérielles laissées par des matières non périssables comme l’ambre et l’obsidienne. Certains de ces produits ont été retrouvés à des centaines de kilomètres de leur lieu d’origine -du sud de l’Australie aux côtes septentrionales de la Nouvelle-Guinée, de la mer Noire à la Pologne ou à la Rhénanie.
Au Paléolithique supérieur, déjà, l’homme de Cro-Magnon aux Eyzies, en Dordogne, connaît des coquillages qui viennent de l’océan Atlantique, à 200 km de là. Ensuite, chaque société produit, dans l’intention de l’échanger, une marchandise particulière (haches de pierre, barres de sel, poteries, capes d’écorce) qui devient le moyen de paiement des productions d’autre groupes. Enfin au sein même de ces sociétés, des groupes sont spécialisés dans la fonction d’intermédiaires des échanges de marchandises et parcourent pour ce faire des dizaines, voire des centaines de kilomètres.
On est donc loin du troc, où les marchandises font office de moyens de paiement réciproques, sans intermédiaires d’échanges. Cependant, le développement de la fonction de compte est encore limité, le prix relatif des biens échangés n’étant pas conçu comme un rapport objectif, mais d’abord comme l’expression d’un rapport social, entre des individus et des communautés. Le moteur du développement n’est donc pas encore le marché Peu à peu, la monnaie prendra une dimension politique et sociale.
Dans toutes ces civilisations, les pièces ne sont pas considérées d’emblée comme un instrument monétaire supérieur aux autres moyens de paiement reconnus. Elles coexistent longtemps avec ces derniers. Rondelles de métal plus ou moins bien estampées, leur forme autorise les usages les plus divers. Leur échange traduit plus qu’une simple transaction commerciale: il peut tout aussi bien symboliser un don réciproque, voire un tribut. Ainsi, les premières pièces des cités grecques n’ont-elles pas été émises pour les besoins immédiats du commerce: sur les places de marché, leur valeur est trop importante pour l’acquisition des biens de consommation courante. Pour les échanges lointains, qui empruntent essentiellement la voie maritime, ce sont les marchandises elles-mêmes qui font office de moyens de paiement.
Quelle est donc, au départ, la fonction de ces monnaies? Elle apparaissent comme un instrument nécessaire pour régler les rapports internes et externes des cités: elles ont surtout un caractère politique et religieux. Néanmoins, cette double fonction n’entrave pas leur destin marchand: le métal dont elles sont faites est lui-même l’objet d’échanges à grandes distances depuis des temps très reculés. Et le commerce antique revêt lui-même une importante dimension politique et sociale. La souplesse que permet l’utilisation de ce poids de métal fragmenté et fragmentable et sa diffusion dans des sociétés aux mœurs très diverses, en feront progressivement, dans le monde antique, l’instrument privilégié des transactions commerciales et de l’acquittement des impôts. Frappées à l’effigie des dieux et des puissants, les monnaies conservent ce caractère politique essentiel jusqu’à l’époque romaine, où elles sont émises à l’occasion de grands événements (Jeux sportifs ou mouvements d’armée) .Quant à leurs fonctions sacrificielles et rituelles, elles ne s’éteignent pas non plus: des pièces, offrandes propitiatoires, sont de nos jours encore, enfouies dans les fondations des bâtiments et des ponts, jetées dans les fontaines ou les sources, offertes en symbole de l’alliance contractée dans le mariage, ou placées dans la bouche ou la main des morts, qui emportent ainsi dans l’au-delà les rituels de paiement du monde des vivants. Quid de la monnaie moderne? Depuis longtemps les historiens ont choisi la prise de Constantinople par Mahomet II, le 29 mai 1453, comme date limite pour la fin du Moyen Age et le début des temps moderne.
Vers cette époque, l’apport des métaux précieux venus en grande quantité de pays fabuleux, et l’amélioration du rendement des mines d’argent de Bohême modifièrent considérablement les formes de richesse. Aussi, considère-t-on que cent ans après le début de l’époque moderne, la quantité de pièces, dans l’ancien monde, était douze fois plus importante qu’à la fin du Moyen Age! Les monnaies qui étaient très minces prirent de l’ épaisseur, et, sous l’influence des tendances de la Renaissance et du retour à la tradition reprise aux monnayeurs romains, le portrait du prince ou du roi refait son apparition, ce seront les testons. De même, les nouvelles techniques et notamment la frappe au balancier permet d’obtenir des monnaies de très belle qualité. Cette technique qui se heurta a l’opposition des orfèvres-monnayeurs fut définitivement adoptée en France en 1645. En France, la première pièce décimale sera frappée par la Convention: décret du 18 germinal an III, (7 Avril 1795) et le nouveau système monétaire sera fixé par le décret du 28 thermidor an III (15 Août 1795). La transition des anciennes monnaies aux nouvelles était fixée à : – 12 deniers = 5 centimes – 30 sols = 1,50 franc – 1 écu de 6 livres = 5,92 francs – 1 double Louis d’or = 47,36 francs.
Mais ce taux de conversion ne dura pas longtemps avec la période inflationniste que connurent les assignats. Après la victoire des alliés sur Napoléon 1er, les provinces Belges seront réunies à la Hollande et n’obtiendront leur indépendance qu’avec Léopold II. Une première loi monétaire sera promulguée le 5 juin 1832. le franc de 5 grammes d’argent à 90/1000è sera adopté comme unité monétaire.
À l’époque, le Luxembourg, d’abord cédé au roi des Pays-Bas, se voit érigé, en 1839, Grand-Duché et intégré à la Confédération des Etats germaniques tout en se voyant amputé d’une partie de son territoire au profit de la Belgique. Lors de la dissolution de cette confédération (1849), Guillaume III fera frapper les premières pièces gravées sur l’avers: » Grand Duché de Luxembourg » avec le lion surmonté de la couronne royale. En dehors des périodes d’occupation par l’armée allemande, chaque Grand-duc ou Grande-duchesse au pouvoir fera frapper des monnaies à son effigie.
En Italie, avant d’en arriver à l’indépendance nationale de 1859, des multitudes de royaumes, d’états, de principautés, de duchés, de villes libres, d’évêchés, de seigneuries, en faisaient une pittoresque mosaïque qui donna bien du travail aux guerriers, aux historiens, aux fonctionnaires chargés de la garde des frontières. Il aura fallu à Napoléon III et à Victor-Emmanuel beaucoup de soldats et de diplomatie pour recoudre pièce à pièce tous ces Etats épars et en former l’Italie. Un article qui reste à écrire pourra faire la description de ces Etats et de leurs émission monétaires avant 1859.
En 1861, Victor-Emmanuel II de Sardaigne devient aussi roi d’Italie et règnera jusqu’en 1878. Umbert 1er lui succèdera jusqu’en 1900 et Victor-Emmanuel III règnera ensuite jusqu’en 1946. leurs émissions de monnaies ressembleront beaucoup à celles de la France par leurs dimensions, par leur poids et par les métaux qui les composent. Le plus souvent, les régnants mettront leurs portraits sur leurs monnaies. En 1946, la République italienne est instituée et émet ses propres monnaies.
La République Helvétique proclamée en 1798 par les armées françaises de la Révolution est transformée de République unitaire en République fédérative par Napoléon 1er . Cette forme d’Etat est respectée par le Congrès de Vienne en 1815 et aménagée en 1848 et 1874. La Suisse est divisée en quatre groupes linguistiques; allemands, français, italiens et romanches. Jusqu’en 1814 chaque canton émettait sa propre monnaie ce qui donne une grande variété de monnaies pour le plus grand plaisir de beaucoup de numismates. Avec la constitution de 1815, c’est le franc qui est adopté avec tous ses divisionnaires. A noter la grande stabilité de toutes les émissions de pièces en bronze, en nickel ou en argent et dont la caractéristique est qu’elles ont toujours cours légal, quelle que soit leur date d’émission.
Les Pays-Bas qui ont un passé historique très riche obtiendront leur indépendance lors du traité d’Aix-La-Chapelle en 1648 qui sera envahie suite à la guerre de succession d’Autriche en 1745. La Révolution française érige en 1795 la République batave qui sera transformée en Royaume de Hollande en 1806 pour fournir un trône à Louis Bonaparte puis rattachée à l’Empire de Napoléon de 1810 à 1815. Cette période permet d’observer de très nombreuses monnaies. À partir de 1815, les monnaies, en Gulden , seront émises par les différents rois avec la parenthèse de l’occupation nazie de 1941 à 1944.
L’ Autriche, autre grand royaume s’appelait Marchia Austriaca (marche orientale) sous Charlemagne connait son apogée en 1814 et étend son rayonnement à toute l’Europe centrale. Le traité de Saint-Germain-en-Laye du 10 septembre 1919, provoque le démembrement de l’empire et donne naissance à de nouvelles républiques comme la Pologne et la Tchécoslovaquie en y incluant des ex territoires autrichiens. Certaines provinces sont transférées à l’Italie, à la Yougoslavie et la Roumanie. Annexé par Hitler en 1938, cet empire devient une République lors de sa libération en 1945. Depuis cette date ce pays frappe des monnaies en zinc, en aluminium et en bronze d’aluminium. Ce sont des groschen et des schilling. A partir de 1955 de nombreuses monnaies commémoratives en argent sont également frappées.
Appelé Empire d’Occident sous Charlemagne, il devient au XIVe siècle le Saint Empire romain germanique et Napoléon le supprimera pour en faire la Confédération du Rhin. En 1871, le roi de Prusse et son ministre Bismarck, vainqueurs des français en 1870, créeront à Versailles l’Empire Allemand. Avant cette date, les pays germaniques étaient divisés en dizaines de royaumes, principautés, petits états, duchés, etc., qui tous émettaient leurs propres monnaies. En 1871, les monnaies de tout l’Empire sont unifiées et naît le mark et son divisionnaire le pfennig. A noter que la République démocratique d’Allemane (RDA) utilisera le même système monétaire que la RFA.
Grand de l’Europe occidentale, l’Espagne frappe juste avant 1808 des monnaies en maravédis et en escudos. En 1808 Napoléon installe son frère Joseph sur le trône et frappe des monnaies en or, en argent et en bronze. Ce seront des réales , des maravédis, mais aussi des pesetas et des escudos. La lutte entre les familles prétendantes au trône est intense et de destitutions en abdication, il faudra attendre le règne de Alphonse XII (1875-1895) pour ne rencontrer que des monnaies en pesetas et centimos.
Napoléon occupera également le Portugal (ancienne Lusitanie) et le roi Jean VI se réfugiera au Brésil jusqu’en 1821. La République est proclamée en 1910 mais de 1933 à 1974 elle est unitaire et corporative. il faudra attendre 1974 et la mort du successeur de Salazar pour que soit mis fin au régime dictatorial. De nombreuses monnaies ( escudos) en de nombreuses matières sont frappées avec de nombreuses commémoratives.
L’ Angleterre a un passé monétaire prestigieux avec de très belles pièces d’or, nobles, souverains, anges d’or, etc. Son immense empire colonial a fait connaître ses effigies monétaires sous tous les cieux du monde. La période Napoléonienne amena une pénurie des signes monétaires, et il y fut remédié par des émissions de monnaies de nécessité appelées » tokens « . En 1820, Saint Georges terrassant le dragon ornera des pièces et il restera longtemps à cheval puisqu’il y figure encore de nos Jours. Georges III, qui règnera de 1760 à 1820 inaugure en 1816 quelques nouvelles dénominations monétaires: les livres, souverains, demi-souverains, couronnes, demi-couronnes, -schilling, pence qui remplaceront les guinées et leurs sous-multiples.
Dans toute cette Europe occidentale, ce sera la Révolution française et les invasions napoléoniennes qui conduiront à la période monétaire moderne. Très souvent des monnaies en or et en argent identiques par leurs poids seront émises dans tous ces pays sur de mêmes périodes.
L’ Union Latine sera créée à la fin du XIXe siècle pour encore améliorer ces correspondances. (France- Suisse- Belgique et Italie, puis plus tard la Grèce). Ainsi la pièce 20F or, comme la pièce de 5 francs argent, avaient le même poids d’or ou d’argent dans les quatre pays de l’Union, ce qui explique que l’on trouve fréquemment tous ces types de monnaies dans les bas de laines de nos compatriotes.
Toutes ces évolutions politico-économiques ont permis de créer l’actuelle Europe, et mettre en place l’Euro, le 1 Janvier 2001.
Les monnaies étaient aussi le bon moyen pour afficher et faire connaitre le portrait du roi ou de la reine au peuple et de ce fait leurs portraits ont longtemps figuré sur de nombreuses pièces des pays d’Europe.
Source: (Hubert FEUlLLE)