Au 11è siècle, les berges de la Dordogne offrent un vaste espace où peuvent se reposer les voyageurs, c’est aussi un refuge pour les rares embarcations qui viennent de franchir les rapides situés en amont. Il a toujours fait bon vivre sur les rives de la Dordogne. Un petit bourg s’est créé à l’endroit où il existe un gué depuis l’époque romaine, c’est le seul moyen pour traverser le fleuve.
Au 12è siècle Bergerac devra se protéger des envahisseurs et des hordes de brigands qui sillonnaient la France, détroussant et assassinant les voyageurs. On trouve dans les documents conservés aux archives municipales, la trace de larges murailles d’enceinte et d’un château tourné face à la rivière. en contrebas juste devant lui, se trouve un bac, destiné à rejoindre les fortifications à » barbacanes » de La Madeleine. Il est aussi utilisé pour faire traverser les pèlerins, n’oublions pas que nous sommes sur l’un chemin de Saint Jacques de Compostelle, très fréquenté depuis le milieu du 10è siècle..
En 1209, dans les mêmes archives, nous trouvons les premières traces d’un pont, sans doute bien précaire et très certainement en bois qui résistera aux intempéries un petit siècle, puisqu’en 1290
Hélie RUDEL, Seigneur de Bergerac, lègue par testament la somme nécessaire à faire construire
un pont de pierre. Ses volontés seront respectées, le pont sera construit, mais il n’aura pas plus de
chance que son prédécesseur puisqu’ un siècle plus tard une crue arrachera l’une de ses piles.
Il sera alors reconstruit avec les pierres de château de Mouleydier. Ce dernier, étant alors une place
forte Anglaise, avait été détruit par Du Guesclin,
En 1445, le pont fort mal entretenu s’écroulera. C’est un drame pour Bergerac. La ville est devenue un carrefour commercial stratégique, A la fois pour le commerce du bois, du vin, et la très grande fréquentation de la voie terrestre qui se dirige vers le port de Bordeaux. Les échanges commerciaux et militaires sont aussi très fréquents avec la Navarre avec le Béarn et même l’Espagne. Pour cela il faut absolument franchir la Dordogne. Et ce sera à nouveau un bac qui prendra le relais pour une cinquantaine d’années. Il sera secondé par un pont bateau pendant dix ans.
C’est enfin le 11 Avril 1513 que consuls et notables inaugureront un superbe pont de pierre de onze piles dominant la Dordogne, et dont l’une recevra la chapelle de Notre Dame du Pont. Chef-d’ œuvre architectural, ce pont magnifique, que vous pouvez voir en tête de page, était annoncé comme étant à l’épreuve du temps et indestructible.
Le 7 Mars 1783, une pluie diluvienne s’abattait sur la ville 30 heures durant, faisant monter les eaux à un niveau jamais atteint. Le magnifique ouvrage ne résistera pas, quatre de ses piles sont emportées. L’analyse des sols déstabilisés interdit une reconstruction sur le même emplacement. Pierres de taille et madriers de bois seront pillés, et serviront bien vite à ériger des maisons de particuliers, toujours en place dans le vieux Bergerac. On jette quelques poutres sur les ruines pour permettre le passage aux plus téméraires. Encore une fois c’est le bac qui prendra le relais pour une cinquantaine d’années
Dans le bulletin des lois du 5 Août 1821, on relève que Louis XVIII après avoir fait adopter son projet à la chambre des députés, ordonne, suite à un appel d’offre, la construction à Bergerac, d’un Pont de pierre d’une valeur de 600.000 F. Ce sont les Sieurs BALGUERIE et Compagnie de Bordeaux qui prêteront cette somme au gouvernement, moyennant un intérêt de 2% l’an, plus 2% d’indemnité jusqu’à l’extinction de la dette. L’ Etat sera chef des travaux, et remboursera sa dette par l’imposition d’un péage.
L’administration à toujours su compliquer les chose, il n’y aura pas moins de 52 lignes de tarifs différents !
-Pour une voiture à 2 roues traînée par 4 chevaux, il en coûtait 1.25F
-Une personne à pied, chargée de plus de 25Kg devait débourses 0.10F etc….
L’usage voulait que ce soient les utilisateurs de l’ouvrage qui le financent. Un bureau d’octroi sera installé en bout de pont pour la perception du péage.
On inaugurera enfin ce pont tant désiré le 4 novembre 1825. D’une longueur de 160m. il se compose de cinq arches de plein cintre de 27m chacune. Fait de pierres et de briques il s’élève à 16m au-dessus des basses eaux. La taxe de péage sera abolie fin juin 1847.
Une des piles du pont, coté La Madeleine a une fâcheuse tendance à s’enfoncer, mais il est régulièrement ausculté et entretenu. Il a pourtant risqué sa vie en deux occasions : miné par le génie, il a bien failli sauter en juin 1940, et en juin 1944 une bombe de provenance inconnue ? a écorné son parapet pour tomber dans la rivière sans autre dommage.
(sources: Bergerac de J.Louis LACHAUD, Bergerac oublié de Pierre POMMAREDE)