Quelle femme!…Tous les Français l’auront manipulée (coté face) quand elle est monnaie, tous l’auront aussi léchée (coté pile) quand elle est timbre poste, et tous peuvent aussi l’admirer (pile et face) puisqu’elle trône dans toutes les mairies de l’hexagone. Elle est le symbole de la République, de la Liberté et de la France, mais elle reste étrangement secrète sur ses origines.
L’AN IV de la République (1796) est une date clé pour la numismatique Française, puisque c’est la frontière entre ce que nous appelons les monnaies Royales et les monnaies Modernes. Apparait alors une très belle monnaie gravée par Augustin Dupré. Elle est en bronze, elle a une valeur de 1, 2, 5 et 10 centimes , et pour répondre au cahier des charges, elle symbolise la République et la Liberté. C’est la première fois qu’on associe la tête de la République et le bonnet phrygien.
Cette gravure monétaire était parfaitement justifiée. La République a, de tout temps, été symbolisée par une femme. La tête d’Athéna casquée sur les monnaies des républiques Grecques, la tête de Rome casquée sur les monnaies de la république Romaine. Images de femmes guerrières et conquérantes. De plus, à Rome comme à Athènes le bonnet Phrygien était le symbole de la liberté, puisqu’il était fièrement porté par les esclaves affranchis. Le bonnet de la liberté sur la tête de la République, c’est l’harmonie parfaite! Eh bien cette monnaie de bronze, qui est la plus parfaite représentation (avant l’heure) de notre Marianne, n’en portera jamais le nom.
La première apparition du nom « MARIANNE » date de 1792, dans une chanson en occitan « La garison de Marianna », elle désignait alors la toute jeune République, sous la plume du chansonnier Guillaume LAVABRE. En 1797, le Directoire cherche un nom et un symbole pour la république. Au cours d’une réception chez Madame REUBELL, BARRAS aurait demandé son prénom à la maitresse de maison. Marie-Anne (devenu Marianne) lui plût, il était bref simple et dépourvu de connotation aristocratique, sans faire trop « peuple » tout de même! Napoléon accorda à madame REUBELL une pension de 6000 livres. Enfin, sous la Restauration, MARIANNE fut le nom d’une société secrète, qui a lutté contre le régime en participant à la révolte des ardoisières de Trélazé.
Il aura fallu ainsi plusieurs concours de circonstances pour que le nom MARIANNE, devienne populaire et s’impose naturellement.
Quant aux bustes de MARIANNE, les premiers modèles furent créés en 1848, mais n’apparurent dans les mairies qu’en 1880. Depuis la statue de DALOU, qui date de 1881, et fut érigée place de la Nation, il y a eu de nombreux modèles qui passeront par Brigitte Bardot, Catherine Deneuve et Laetitia Casta…
Aucune loi, aucun décret ne précise que MARIANNE représente notre République, certaines femmes n’ont pas besoin d’une législation pour s’imposer.
MAIS… les numismates ont un peu de mal à s’y retrouver.
– Les 1, 2, 5, 10, cts Dupré reprise en 1848 puis en 1962 (avec le bonnet phrygien) ne s’appellent pas Marianne
– La 1, 2, 5, 10, cts Dupuis (avec bonnet phrygien) est dite « République »
– La 5. 10, 20, 50, cts Lagriffoul est une Marianne
– La 25 cts Patey, s’appelle « Patey »
– La 50 cts 1f, 2f, 5f, 1897 reprise en 1962, de Roty est dite Semeuse avec bonnet phrygien. (La semeuse et Marianne même combat???)
– La 5f Bazor 1933 est dite « Bazor » (avec bonnet phrygien)
– La 5f Lavriller, (bronze, nickel et alu) n’a pas de bonnet phrygien (nous sommes en 1938, et il faut faire barrage aux monnaies allemandes caquées et armées)
– La 10f et 20f Turin 1929, est-ce bien Marianne (bonnet phrygien ou Cérès avec épis de blé ?)
– La 10f, 20f, 50f, Guiraud n’a plus de bonnet phrygien
– La 10f Jimenez qui n’a duré qu’un an est bien peu sympathique
– La 100f Cochet a retrouvé son bonnet (vous savez, la variété avec ou sans chouette)
– La 100f argent Fraternité de 1988 a un petit coté statue de la liberté -coupée de Cérès
– La 100f Delacroix (la liberté guidant le peuple est armée d’un fusil)
– La 100f or Bazor possède un bonnet phrygien ailé???, mais elle n’a jamais été mise en circulation, et pourtant ce sont toutes des « MARIANNE »
Amis collectionneurs soyons heureux: Le plus grand hommage vient de lui être rendu, puis qu’elle a franchi le cap de l’€uro, et c’est avec joie et émotion que les numismates la retrouvent sur nos nouveaux centimes, gravée par Fabienne COURTIADE
(source: J.Rigouste)